Univers, Multivers et Simulation
(Quelques remarques concernant le Multivers)






Jean-François COLONNA
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CMAP (Centre de Mathématiques APpliquées) UMR CNRS 7641, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, CNRS, France

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Mots-Clefs : Multiverse, Multivers.



Il y a bien longtemps, nos ancêtres considéraient que la Terre était immobile et au centre de l'Univers. Cette conception n'était en rien ridicule puisque c'était ce que nos sens nous révèlaient (et nous révèlent encore aujourd'hui...), en l'absence de moyens d'observation appropriés. C'était le géocentrisme.


Même si avant lui, Aristarque de Samos (~310-230 avant Jésus Christ) ou encore Hypatie d'Alexandrie (quatrième siècle de notre ère) avaient eu l'intuition de l'héliocentrisme, il fallu attendre 1543 pour que Nicolas Copernic (De revolutionibus orbium caelestium libri VI) "place" le Soleil au centre de l'Univers et fasse de la Terre une planète comme les autres.


Les moyens d'observation progressant, ce fut ensuite au tour de notre Soleil d'être "rétrogradé", devenant ainsi une étoile comme les autres parmi ses sœurs au cœur d'une unique galaxie, la Voie Lactée.


De nouveaux progrès révélèrent ensuite, au cours du vingtième siècle, que notre galaxie n'était qu'une parmi des centaines de milliards d'autres dans un Univers peut-être infini...


Qu'en est-il aujourd'hui ? Allons-nous de nouveau subir un déclassement ?


Longtemps on a espéré justifier la situation privilégiée de la Terre à partir des lois Mathématiques de la Physique : à bonne distance du Soleil (permettant ainsi à l'eau d'y être liquide), présence d'un champ magnétique protecteur (des agressions venant du Soleil ou de plus loin...), existence d'un satellite stabilisateur (la Lune),... Képler s'y essaya en associant à chacune des cinq planètes alors connues l'un des solides platoniciens. Les lois de Newton, bien que permettant de calculer avec une bonne précision la trajectoire des planètes du système solaire, demandaient que des "conditions initiales" (la position des corps dans l'espace à instant donné) leurs soient communiquées et celles-ci ne pouvaient malheureusement qu'être mesurées et non déduites de ces mêmes lois... On considère aujourd'hui que la situation si favorable de la Terre est le résultat des conditions de formation du Soleil et de son cortège de planètes : il s'agit fort probablement d'un heureux hasard !

Or depuis la découverte de la première exo-planète (51 Pegasi b) en 1995 par Michel Mayor (Prix Nobel de Physique 2019) des milliers d'autres ont été identifiées et il semble donc que la plupart des étoiles possèdent un tel cortège. Mais ce qui fut découvert simultanément c'est que le système solaire ne serait pas représentatif. Il semblerait même que tout soit possible : des planètes telluriques (comme la Terre) proches ou loins de leur étoile, des planètes gazeuses (comme Jupiter) proches ou loins de leur étoile,... en notant malgré tout que les méthodes de détection actuellement utilisées (méthode dite du transit d'une planète devant son étoile, ou encore l'observation des oscillations d'une étoile dues à son éventuel cortège planétaire) privilégient les planétes géantes et à courtes périodes. Et ainsi, l'Univers semblant vaste, voire infini, il doit exister un certain nombre de configurations faborables, le système solaire et la Terre étant l'une d'elles : et nous sommes là pour faire cette observation !

Or aujourd'hui, une interrogation de même nature porte sur l'Univers : en effet, il est décrit par une trentaine de paramètres qui sont "finement ajustés" permettant ainsi l'existence d'atomes, d'étoiles, de planètes, de la vie. Alors, pourquoi et comment un tel ajustement est-il possible ? Et si la réponse à cette interrogation était de la même nature que celle donnée ci-dessus pour expliquer la situation privilégiée de la Terre ? Ne se pourrait-il pas qu'existent une (quasi-)infinité d'Univers où quasiment toutes les combinaisons de valeurs des paramètres fondamentaux seraient représentées et donc en particulier celle du Notre ? Cet ensemble d'Univers formerait un (le ?) Multivers...

On notera que cette hypothèse est d'une part contraire au rasoir d'Occam et d'autre part, en toute logique, implique l'existence d'un MultiMultivers, d'un MultiMultiMultivers,... et ce ad infinitum...

Malgré tout cette hypothèse méta-physique émerge d'un certain nombre de théories (non exclusives l'une de l'autre !) :

Selon Karl Popper, une théorie scientifique doit être réfutable. Dans ce contexte, par exemple, le modèle du Big Bang ne serait pas scientifique car n'étant pas réfutable (il semble difficile de refaire l'expérience !). La pratique actuelle consiste à accepter un modèle tant que certaines de ses prédictions sont vérifiées et que les autres ne sont pas réfutées (ce fut ainsi le cas de la Relativité Générale avec les trous noirs et les ondes gravitationnelles). Dans l'état actuel, les modèles de Multivers n'ont fait aucune prédiction et il convient d'attendre leurs prochains développements, en particulier dans le cadre de la Grande Unification (Mécanique Quantique et Relativité Générale)...





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