A Quoi Servent les Mathématiques ?






Jean-François COLONNA
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CMAP (Centre de Mathématiques APpliquées) UMR CNRS 7641, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, CNRS, France
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(Site WWW CMAP28 : cette page a été créée le 23/10/2000 et mise à jour le 03/10/2024 17:00:34 -CEST-)



(Texte Texte d'une conférence présentée à l'occasion de la Fête de la Science, Ministère de la Recherche, 20/10/2000)



Résumé : A côté des Mathématiques Pures, a priori éloignées des problèmes concrets, figurent les Mathématiques Appliquées qui cherchent à résoudre des problèmes posés tant par la recherche fondamentale que par la recherche industrielle.


Mots-Clefs : Anaglyphes, Art et Science, Autostéréogrammes, Chaos Déterministe, Création Artistique, Entrelacs, Erreurs d'arrondi, Expérimentation Virtuelle, Génie Logiciel, Géométrie Fractale, Infographie, Mathématiques, Mécanique Céleste, Mécanique Quantique, Physique, Sensibilité aux Erreurs d'Arrondi, Simulation Numérique, Stéréogrammes, Synthèse de Phénomènes Naturels, Synthèse de Texture, Visualisation Scientifique, Voyage Virtuel dans l'Espace-Temps.




1-Quelques souvenirs personnels :

J'ai toujours aimé les Mathématiques, sans que jamais, au collège comme au lycée, ne me soient presentées leurs dimensions tant historique qu'utilitaire. Cette lacune subsiste encore aujourd'hui dans nos établissements scolaires, voire universitaires, et c'est pourquoi il est tout à fait compréhensible que certains ne s'y intéressent pas, même s'ils présentent de bonnes dispositions pour celles-ci.




2-Les Mathématiques Pures contre les Mathématiques Appliquées :

Il est de tradition de faire une distinction entre les Mathématiques dites Pures et celles qui sont qualifiées d'Appliquées. Mais cette opposition signifie-t-elle que les premières, celles qui donc ne sont donc pas appliquées, sont non applicables et par la-même inutiles ? Sous-entend-elle de plus que les secondes, celles qui sont appliquées par définition, sont impures ?




3-Les Mathématiques Pures :

Même si leurs racines, dont les traces remontent à plusieurs milliers d'années sont constituées de problèmes bien concrets (par exemple, ceux de partages de biens entre des héritiers), les Mathématiques Pures trouvent aujourd'hui généralement leurs source d'inspiration dans des questions posées de temps en temps par les plus grands mathématiciens. Ces questions se concrétisent bien souvent sous la forme de conjectures (c'est-à-dire de théorèmes non encore démontrés mais qui semblent vrais). Ainsi la conjecture de Riemann (relative aux zéros non triviaux de la fonction Zêta) est certainement l'un des plus importants problèmes "ouverts" actuels.

Il y a quelques années, l'un de ceux qui fit couler le plus d'encre vit son épilogue : il s'agit du Grand Théorème de Fermat. Pourquoi théorème alors que cela n'était qu'une conjecture et de quoi s'agissait-il ?

Pierre de Fermat était un magistrat toulousain du dix-septième siècle et il pratiquait en amateur l'art des Mathématiques, comme d'autres cultivent leur jardin. Mais cet amateurisme ne doit pas masquer les contributions fondamentales qui lui sont dues en :

Il avait en sa possession une copie de l'Arithmetica de Diophante. Cet ouvrage, écrit au troisième siècle de notre ère, contenait de nombreux problèmes d'arithmétique et en particulier la recherche des solutions entières de certaines équations (dites diophantiennes). Par exemple, existe-t-il des triangles rectangles à côtés entiers. Soient {X,Y,Z} respectivement les deux côtés de l'angle droit et l'hypoténuse d'un tel triangle ; le théorème de Pythagore s'écrit :

                    
                     2    2    2
                    X  + Y  = Z
le problème est donc de trouver 3 nombres entiers {X,Y,Z} satisfaisant à l'équation précédente. Il est facile de démontrer qu'elle admet une infinité de solutions dont la plus fameuse est certainement le triplet {3,4,5} :
                     2    2    2
                    3  + 4  = 5
Pierre de Fermat eut l'idée de généraliser le problème et de s'intéresser donc à l'équation :
                     n    n    n
                    X  + Y  = Z

{X,Y,Z,n} N
(n étant aussi un nombre entier). Il pensa avoir découvert une "merveilleuse solution trop longue pour figurer dans la marge de l'ouvrage", mais dont aucune trace ne fut trouvée par la suite et qui démontrait que cette équation n'avait pas de solution pour n strictement supérieur a 2 (sans oublier qu'il en est de même dans le cas trivial où n est nul...). Il parait aujourd'hui évident que Pierre de Fermat s'est rapidement rendu compte que sa démonstration présentait un défaut, mais malgré tout, cette conjecture resta appelée le Grand Théorème de Fermat. Nombreux furent ceux qui s'y attaquèrent et parfois certaines erreurs furent commises. De nombreux cas particuliers (pour certaines valeurs de n) furent vaincus et il fallu attendre 1994 pour que Andrew Wiles (aujourd'hui Sir Andrew Wiles) fournissent la solution générale.

Alors, à quoi sert le Grand Théorème de Fermat ? Il semblerait qu'a priori il ne serve à rien. Mais est-ce bien vrai ? En réalité sa démonstration a d'une part révélée des liens "inimaginables" entre différentes branches des Mathématiques :
et qui sait si demain il ne se révèlera pas être la clef d'un autre grand mystère ? D'autre part, certains "outils" qui furent utiles à sa démonstration ont déjà trouvé des applications concrètes. En particulier les courbes elliptiques semblent offrir de nouvelles possibilités de cryptage de l'information (aujourd'hui la plupart des méthodes utilisées de par le monde sur les réseaux de télécommunications pour préserver l'intégrité du contenu des messages, empécher leur lecture et permettre leur non répudiation, reposent sur la difficulté -non démontrée, mais conjecturée- de factoriser, avec un ordinateur classique -c'est-à-dire non quantique-, les grands nombres entiers -de plusieurs centaines de chiffres-).

Ainsi, le mathématicien dit "pur" ne se soucie pas a priori des applications de ses recherches, mais l'artiste ou le joueur d'échec ne procèdent-ils pas de même ? Les Mathématiques Pures constituent certainement la recherche tout à la fois la plus abstraite et la plus proche de nos structures cérébrales les plus fondamentales ; elles sont à la fois Jeu Intellectuel, Art et Science, Langage, Mémoire et Pensée, mais aussi le terreau sur lequel se développe notre Science.




4-Les Mathématiques Appliquées :

Les Mathématiques Appliquées, comme leur nom l'indique, sont toujours issues de problèmes concrets posés par la recherche fondamentale mais aussi, de plus en plus, par la recherche industrielle. Par la suite, nous nous limiterons à la recherche fondamentale et plus particulièrement à ce qui se fait en Physique.





5-Conclusion :

Plutôt que la Réalité Ultime, nos Mathématiques ne sont peut-être qu'un reflet de nos structures cognitives les plus profondes et progresser dans cette matière, c'est aller vers une meilleure connaissance de nous-mêmes. Enfin, elles possèdent un rôle structurant fondamental et constituent actuellement notre meilleur outil pour approcher (asymptotiquement ?) cette réalité transcendante dont nous sommes faits et dans laquelle nous évoluons. Elles sont peut-être the final frontier, là où peut se vivre l'ultime aventure moderne et peut-être sauveront-elles l'humanité des catastrophes annoncées...


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