Visites Guidées de Galeries Enfouies
(dans un Ordinateur)
CMAP (Centre de Mathématiques APpliquées) UMR CNRS 7641, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, CNRS, France
france telecom, France Telecom R&D
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(Site WWW CMAP28 : cette page a été créée le 10/11/2000 et mise à jour le 03/10/2024 17:20:15 -CEST-)
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(Texte d'une conférence presentée au colloque international Arts et Mathématiques, Maubeuge, 20-22/09/2000)
Mots-Clefs :
Anaglyphes,
Art et Science,
Autostéréogrammes,
Chaos Déterministe,
Création Artistique,
Entrelacs,
Erreurs d'arrondi,
Expérimentation Virtuelle,
Génie Logiciel,
Géométrie Fractale,
Infographie,
Mathématiques,
Mécanique Céleste,
Mécanique Quantique,
Physique,
Sensibilité aux Erreurs d'Arrondi,
Simulation Numérique,
Stéréogrammes,
Synthèse de Phénomènes Naturels,
Synthèse de Texture,
Visualisation Scientifique,
Voyage Virtuel dans l'Espace-Temps.
1-INTRODUCTION :
Le titre de ce texte peut sembler bien mystérieux, mais il
révèle en fait la double lecture qu'il est possible de faire des
images dont il va être question. En effet, ces images sont,
dans leur grande majorité, calculées à des fins
scientifiques
ou pédagogiques ;
mais cela n'exclut pas de les réaliser
sous contrainte d'harmonie esthétique, en étant attentif aux
proportions, aux couleurs,... voire de temps en temps en
oubliant la science. Le mot galerie doit donc être entendu
dans deux sens bien différents qui seront définis ci-apres.
2-GALERIES D'ART :
Les galeries d'art enfouies dans les ordinateurs sont celles
qui offrent au spectateur des
images pour le seul plaisir des yeux,
en évitant de décrire les processus mathématiques
sous-jacents. Mais quel est alors le statut de ces images :
sont-elles des œuvres au sens classique du terme ? Il
convient de rappeler d'abord qu'elles perdent ici une
propriété fondamentale (dans le sens ou celle-ci donne une
partie de leur valeur aux œuvres) : celle de l'unicité ; avec
les images dites numériques, toute copie est aussi parfaite
que l'original. Elles manquent aussi d'un support noble : ici
point de marbre de Carrare... Mais au-delà de ces
caractéristiques négatives, il est un point qui semble des
plus prometteurs : celui de l'émergence de la notion
d'œuvre potentielle.
En effet, je me considère comme un
"créateur algorithmique" et l'aboutissement du processus créatif n'est
pas une ou plusieurs images produites par un certain
programme, mais bien plutôt ce dernier qui doit donc être
vu alors comme contenant (potentiellement) une quasi-infinité
(puisque l'infini n'existe pas dans une machine
numérique) d'images de même type : l'œuvre, c'est l'outil. C'est ainsi le cas d'un
générateur de champs fractals à N dimensions que j'ai
conçu et qui est capable de produire une variété incroyable de
phénomènes naturels
(montagnes, nuages,...). Ce
concept, qui n'aurait certainement pas déplu à Jorge Luis
Borgès, est malheureusement difficile à
expliquer au grand public et dans ces conditions, il
est nécessaire de produire des "objets" plus facilement communicables
(des images) qui seront présentées dans des galeries d'art
réelles et plus souvent (malheureusement ?) virtuelles.
3-GALERIES DE MINE :
A côté des galeries d'art virtuelles enfouies dans les
ordinateurs, des galeries de mine, plus mystérieuses,
sillonnent les mémoires de nos machines. Une mine, dans
son sens le plus commun, est un lieu où l'on creuse la terre
dans l'espoir d'y découvrir des richesses, voire des trésors
; mais quelle est cette terre dont il est ici question ? Elle est
faite des mathématiques qui constituent un élément
structurant fondamental de notre perception de la réalité et
qui se sont imposées au cours des siècles comme le
langage nécessaire à la science
pour décrire les phénomènes qu'elle
étudie. Même si ce langage n'est certainement pas la réalité
ultime, mais bien plutôt le reflet le plus fidèle de nos
structures cognitives les plus profondes, il nous a permis
d'imaginer l'infini.
L'expérimentation virtuelle
est une approche scientifique
récente ; elle consiste à partir du modèle mathématique d'un
certain phénomène physique, puis, afin de résoudre les
équations qu'il contient, à lui appliquer certaines méthodes
dites numériques. Ensuite, tout cela est transcrit en un
programme qui, une fois mis au point, est exploité et
produit des résultats. L'analyse de ceux-ci pose bien
souvent un problème de quantité d'informations qui,
généralement, ne peut-être résolu qu'en faisant appel a leur
mise en images animées. Ainsi, modifier les paramètres
d'un modèle et observer les images produites constituent
bien une nouvelle forme d'expérimentation.
Cette approche est très prometteuse, aussi bien au niveau
fondamental qu'industriel et l'on ne peut s'empécher de
rappeler à ce propos les paroles d'Heinrich Hertz au dix-neuvième siècle :
"on ne peut échapper au sentiment que ces
formules mathématiques ont une existence qui leur est
propre, qu'elles sont plus savantes que ceux qui les ont
découvertes, et que nous pouvons en extraire plus de
science qu'il n'en a été mis à l'origine". Cela est vrai de
l'expérimentation virtuelle ainsi que des modèles et des
programmes qu'elle utilise, mais à condition de bien
connaître les dangers et les limites de cette approche.
En ce qui concerne les aspects "mathématiques et calcul", il
est évident que les nombres réels sont essentiels. Cette
omniprésence est d'ailleurs intrigante :
en effet, par exemple pour les longueurs, à quoi sert
cette précision infinie qu'ils nous offrent, alors que
l'univers semble ne mesurer que 1.5e61 (exprimé avec
comme unité la longueur de Planck) ? Leur utilité semble
venir du besoin de passer à la limite pour obtenir des
équations différentielles. Mais un ordinateur n'est qu'une
machine finie (sa capacité, bien que de plus en plus
importante, est malgré tout physiquement limitée) et discrète
(une grandeur continue doit y être échantillonnée) ; ainsi,
dans ces machines, l'infini et le continu n'existent pas,
alors qu'ils nous sont, apparemment, essentiels ; des
propriétés fondamentales, comme l'associativité de
l'addition et de la multiplication, sont alors perdues. Oublier
cela peut, dans certaines circonstances (cas des
problèmes dits
sensibles aux conditions initales
en particulier),
conduire à quelques désagrements
(euphémisme...).
La mise en images, contrairement à une intuition naïve, est,
elle aussi, source de difficultés. En effet, nous sommes ici
bien loin des applications vantant les qualités d'une automobile ou encore
d'un paquet de lessive. Avec la
visualisation dite
scientifique,
il s'agit bien souvent d'offrir au regard des
objets abstraits
(des structures mathématiques, par exemple) et donc sans
image a priori. Mais cela veut-il dire que tous les "objets"
naturels possèdent une image ? Malheureusement non : cela
est évident dans l'univers quantique,
mais plus près de
nous, quelle est la couleur d'un champ de pression ?
A cette question absurde, il faut malgré tout
répondre pour construire des images représentant de tels
résultats. La moralité de tout cela est simple : la mise en
image d'objets scientifiques est, en toute généralité,
arbitraire et donc subjective. Aussi, est-il très facile de
construire des vues "orthogonales" d'une entité unique.
4-SUIVEZ LE GUIDE :
Les techniques de l'expérimentation virtuelle, à condition
d'utiliser des modèles pertinents (et réfutables), des
méthodes numériques robustes et une
programmation fiable
(ce qui est particulièrement difficile à réaliser...), des outils
de calcul rapides et enfin une mise en image la plus "neutre"
possible, permettent de pratiquer le voyage spatio-temporel
virtuel. L'exploration de toutes les échelles connues, du
monde quantique à l'univers, devient possible :
5-CONCLUSION :
Les mathématiques, profitant des progrès fabuleux de
l'informatique, tout à la fois jeu de l'esprit et fenêtre ouverte
sur la réalité, se révèlent aussi objet et outil de création
artistique : objet car elles proposent à l'artiste de
nouvelles sources d'inspiration,
mais aussi outil parce qu'elles lui
offrent, tout comme au scientifique, de
nouveaux moyens d'expression
qui seront d'autant mieux maîtrisés que leurs
limites en seront mieux connues.
Copyright © Jean-François COLONNA, 2000-2024.
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