Art(s) et Ordinateur(s)
CMAP (Centre de Mathématiques APpliquées) UMR CNRS 7641, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, CNRS, France
france telecom, France Telecom R&D
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(Site WWW CMAP28 : cette page a été créée le 16/04/1998 et mise à jour le 03/10/2024 17:00:47 -CEST-)
(publié dans la revue Passerelles, numéro 15, hiver 1997)
Mots-Clefs :
Anaglyphes,
Art et Science,
Autostéréogrammes,
Chaos Déterministe,
Création Artistique,
Entrelacs,
Erreurs d'arrondi,
Expérimentation Virtuelle,
Génie Logiciel,
Géométrie Fractale,
Infographie,
Mathématiques,
Mécanique Céleste,
Mécanique Quantique,
Physique,
Sensibilité aux Erreurs d'Arrondi,
Simulation Numérique,
Stéréogrammes,
Synthèse de Phénomènes Naturels,
Synthèse de Texture,
Visualisation Scientifique,
Voyage Virtuel dans l'Espace-Temps.
Si en l'espace d'une cinquantaine d'années,
l'ordinateur a bouleversé un certain nombre de
domaines, et en particulier celui de la Recherche
Scientifique, sa pénétration dans le monde des arts
fut beaucoup plus lente, et n'y a pas, jusqu'à
maintenant, introduit de renouvellements
conceptuels. Les principales raisons en sont
certainement d'une part la haute technicité qui fut
longtemps nécessaire pour utiliser ces systèmes
(obstacle en voie de disparition), et d'autre part la
peur de l'artiste, certes inconsciente, d'être un jour
supplanté dans l'acte créatif par la machine...
L'utilisation de l'ordinateur dans le
domaine artistique est surtout connue du grand
public par le biais de la synthèse et du traitement
de l'image. Mais pratiquement tout ce qui sera dit
des arts plastiques (et par extension, du septième
art), pourra être transposé à la sculpture, à la
musique ou encore à la chorégraphie, mais aussi à
des formes nouvelles d'expression multiple. La
contribution des systèmes informatiques se situe
actuellement à deux niveaux differents : d'une part
celui de l'aide à la création
('Imagination Assistée par Ordinateur' ?), et d'autre part celui
plus utilitaire de la gestion. En ce qui concerne le
premier de ceux-ci, l'ordinateur-outil permet de
simuler tout ceux que le peintre connait depuis
l'origine des temps : pinceaux, fusain, et plus
récemment aérographe,... La palette graphique,
puisque tel est le nom de ce type de système, est
aujourd'hui d'une utilisation quotidienne dans
toutes les régies de télévision, ou elle permet la
production, le traitement et la retouche d'images
électroniques. Mais ceci n'est que la partie
immergée de l'iceberg : à côté de ces techniques
que l'on rapprochera du traitement d'images,
figurent celles de la synthèse, ou d'outil,
l'ordinateur devient méta-outil.
La science informatique permet à une
œuvre plastique (pour se limiter à ce domaine)
d'être précédée puis accompagnée par une
description objective faite dans un langage
dépourvu, théoriquement, de toute ambiguïté
syntaxique et sémantique. La création de
l'œuvre n'est alors plus gestuelle mais
conceptuelle : l'œuvre doit être décrite à l'aide
d'un programme-outil. Alors pour paraphraser
Mac-Luhan, ne pourrait-on pas dire :
l'œuvre, c'est l'outil ?
En effet, ce même
programme-outil décrit objectivement l'œuvre, et
son exploitation dans un ordinateur lui donne "vie"
; mais plus, de même que le compas contient en lui
une infinité de cercles, un programme (sans qu'il soit même nécessaire de l'exécuter !) pourra
contenir une infinité (dans le sens "un très grand nombre") d'œuvres "voisines" ou de
même type, qu'il sera possible de regrouper sous le
terme générique d'œuvre potentielle. Enfin,
l'œuvre ainsi enfantée, au même titre qu'une
plante, un animal ou une communauté, pourra, si
tel est le souhait de l'artiste, vivre et évoluer de
façon plus ou moins autonome.
Bien que moins noble, le niveau de la
gestion doit être mentionné. Il regroupe les
fonctions d'archivage d'œuvres et de leurs
références, permettant, en leur associant les
techniques dites du multi-média, d'introduire la
notion de musée virtuel ; celui-ci, consultable à
distance par des moyens télématiques ou bien en
local (dans un lieu publique ou privé), permet au
visiteur d'explorer les richesses qui lui sont
offertes, et d'interroger le système en vue
d'obtenir des informations sur les œuvres et les
artistes ; les retombées pédagogiques en sont
évidentes. Enfin, se situeront à ce niveau des
fonctions d'analyse (par exemple en vue d'une
meilleure compréhension des styles et des
techniques du passé) et d'aide à la restauration des
œuvres.
Deux concepts relativement récents, qui
révolutionnent actuellement l'informatique, auront
très évidemment des conséquences dans le domaine
artistique : il s'agit des notions de réseaux et de
réalités virtuelles. Les réseaux permettent
déjà, par exemple dans le domaine scientifique,
d'accorder à l'homme le don d'ubiquité. Ils
ouvrent alors a l'artiste des voies nouvelles dans le
domaine de la création collective ; associés par
exemple aux techniques spatiales, ils permettraient
la réalisation d'œuvres planétaires qui
illumineraient nos nuits. Quant aux réalités
virtuelles, dont les applications scientifiques,
pédagogiques et ludiques demeurent encore
inimaginables, elles permettront dans le domaine
artistique d'immerger le spectateur dans l'œuvre,
et ainsi favoriseront la création interactive et
participative, mais aussi l'expérimentation
d'espaces-temps différents du nôtre.
Des techniques nouvelles offertes aux
artistes, un certain nombre de problèmes
surgissent. En particulier, l'unicité,
caractéristique des œuvres classiques, disparait ; en
effet, toute copie, au sens informatique du terme,
est strictement indiscernable de l'original. Mais
d'ailleurs, cet original qui est-il et ou réside-t-il ?
Est-il le programme ("l'œuvre c'est l'outil") ou
l'ensemble des chiffres codant les points de ces
nouvelles mosaïques, ou bien encore l'image qui
apparait sur l'écran... ? De plus, ces œuvres
nouvelles sont en général de collaboration ;
alors qui en est l'auteur ? A qui en attribuer les
droits ? Faut-il citer tout ceux qui y collaborerent
plus ou moins explicitement ? Enfin, à plus long
terme, la machine ne sera-t'elle pas capable de nous
surprendre, et donc peut-être alors de créer...
Malgré ces difficultés, ces techniques
bouleverseront l'Art, et d'une manière plus
générale notre Connaissance : l'homme est à la
porte d'une nouvelle révolution copernicienne
qui fera éclater les barrières de notre vision encore
euclidienne de l'Univers. Il sait aujourd'hui
modéliser mathématiquement de nombreux
systèmes "réels" (sans s'interroger ici sur la notion
de "Réel"...) :
de l'atome aux galaxies, en passant
par tous les produits industriels ; mais aussi et
surtout, il est capable "d'imaginer
l'inimaginable", et alors, des œuvres "venues
d'ailleurs" naîtront, enfants de l'Art et de la
Science enfin reconciliés.
Copyright © Jean-François COLONNA, 1998-2024.
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