Palaiseau, le 22/07/1997
Monsieur le Président de la République,
Si je me permets de vous écrire aujourd'hui,
c'est afin de rappeler l'importance d'un problème
mondial auquel l'ensemble des administrations,
entreprises et particuliers va être confronté et qui,
en France particulièrement, est trop souvent
sous-estimé, voire ignoré : il s'agit du passage
informatique de l'An 2000.
Dans les années soixante, la mémoire des
ordinateurs était un bien précieux et toute
économie la concernant était la bienvenue. C'est
ainsi que l'habitude fut prise de coder et de traiter
les années en ne conservant que leurs deux
derniers chiffres. Lors du passage du 31/12/1999
au 01/01/2000 de très nombreux programmes
vont donc basculer de l'an 99 à l'an 00 ; pour
ceux-ci, par exemple, les calculs de durée vont se
trouver lourdement faussés ou encore la gestion
de leurs fichiers va être compromise. Sans
attendre le 31/12/1999, des anomalies sont déjà à
prévoir dans les mois a venir (par exemple, le
GPS reviendra vingt ans en arriere lors du
passage du 21/08/1999 au 22/08/1999).
Si l'énoncé du problème est simple (trop
d'ailleurs, ce qui justifie en partie l'incrédulité), le
traitement est lui, par contre, purement
cauchemardesque. Quelques chiffres et quelques
faits permettent d'évaluer l'ampleur du travail :
- La planète entière est concernée.
- La date est omniprésente (ordinateurs
évidemment, mais aussi systèmes de sécurité,
centraux téléphoniques, sous-marins
nucléaires,...).
- Cette maintenance est d'une complexité sans
précédent et sa date d'achèvement ne peut être
reportée.
- Environ 100 milliards de lignes de
programmes sont, de par le monde, concernées.
- Le côut en sera énorme (le chiffre de 1000
milliards de dollars est actuellement avancé).
- Il n'est plus aujourd'hui d'ordinateurs ou de
programmes isolés : nous sommes donc en
présence du plus gigantesque exemple d'effet
dominos.
- Il semblerait que pour 60% des entreprises
américaines concernées et qui n'ont encore rien
entrepris, il soit déjà trop tard !
- Pour les européens, le passage à la monnaie
unique ne vient pas simplifier les choses !
Estimant que la collectivité nationale,
contrairement aux USA ou à la Grande-Bretagne,
ne portait pas à ce problème toute l'attention
nécessaire, j'ai tenté d'agir à mon niveau (articles,
émissions de radio et de télévision,
conférences,...). Malheureusement, le temps
presse : il ne reste que 29 mois, ce qui est très
peu, pour inventorier, corriger et tester les
millions de systèmes existants. Lors des
précédentes élections législatives, aucun des
candidats n'a, à ma connaissance, évoqué ce
problème. Or dans notre pays, où le chomage
pèse lourdement sur notre économie et sur le
moral de nos concitoyens, il est inutile d'ajouter
de nouvelles difficultés car, en effet, pour les
entreprises qui ne seraient pas prêtes à temps, des
catastrophes économiques (et donc sociales) sont
à prévoir. L'urgence impose donc que des
solutions soient mises en place au plus haut
niveau de l'Etat.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président
de la République, mes plus respectueuses salutations.
Docteur Jean-François COLONNA
Ingénieur en chef à France Telecom
Chercheur au CMAP de l'Ecole Polytechnique