Palaiseau, le 02/09/1997
Monsieur le Ministre de l'Education Nationale,
de la Recherche et de la technologie,
Le 22 juillet dernier, j'ai adressé à Monsieur le
Président de la République un courrier destiné à
rappeler l'importance d'un problème mondial auquel
l'ensemble des administrations, entreprises et
particuliers va être confronté et qui, en France
particulièrement, est trop souvent sous-estimé, voire
ignoré : il s'agit du passage informatique de l'An
2000. Anne Duthilleul, conseillère technique a
l'Elysées, m'a suggéré le 25 aôut de m'adresser
directement à vous, ce que je me permets de faire
aujourd'hui.
Dans les années soixante, la mémoire des
ordinateurs était un bien précieux et toute économie
la concernant était la bienvenue. C'est ainsi que
l'habitude fut prise de coder et de traiter les années
en ne conservant que leurs deux derniers chiffres.
Lors du passage du 31/12/1999 au 01/01/2000 de
très nombreux programmes vont donc basculer de
l'an 99 à l'an 00 ; pour ceux-ci, par exemple, les
calculs de durée vont se trouver lourdement faussés
ou encore la gestion de leurs fichiers va être
compromise. Sans attendre le 31/12/1999, des
anomalies sont déjà à prévoir dans les mois à venir
(par exemple, le GPS reviendra vingt ans en arrière
lors du passage du 21/08/1999 au 22/08/1999).
Si l'énoncé du problème est simple (trop
d'ailleurs, ce qui justifie en partie l'incrédulité), le
traitement est lui, par contre, purement
cauchemardesque. Quelques chiffres et quelques
faits permettent d'évaluer l'ampleur du travail :
- La planète entière est concernée.
- La date est omniprésente (ordinateurs
évidemment, mais aussi systèmes de sécurité,
centraux téléphoniques, sous-marins
nucléaires,...).
- Cette maintenance est d'une complexité sans
précédent et sa date d'achèvement ne peut être
reportée.
- Environ 100 milliards de lignes de
programmes sont, de par le monde, concernées.
- Le côut en sera énorme (le chiffre de 1000
milliards de dollars est actuellement avancé).
- Il n'est plus aujourd'hui d'ordinateurs ou de
programmes isolés : nous sommes donc en
présence du plus gigantesque exemple d'effet
dominos.
- Il semblerait que pour 60% des entreprises
américaines concernées et qui n'ont encore rien
entrepris, il soit déjà trop tard !
- Pour les européens, le passage à la monnaie
unique ne vient pas simplifier les choses !
Estimant que la collectivité nationale,
contrairement aux USA ou à la Grande-Bretagne, ne
portait pas à ce problème toute l'attention nécessaire,
j'ai tenté d'agir à mon niveau (serveur Internet,
articles, émissions de radio et de télévision,
conférences,...). Malheureusement, le temps presse
: il ne reste que 28 mois, ce qui est très peu, pour
inventorier, corriger et tester les millions de
systèmes existants. Lors des précédentes élections
législatives, aucun des candidats n'a, à ma
connaissance, évoqué ce problème. Or dans notre
pays, où le chômage pèse lourdement sur notre
économie et sur le moral de nos concitoyens, il est
inutile d'ajouter de nouvelles difficultés car, en
effet, pour les entreprises qui ne seraient pas prêtes
à temps, des catastrophes économiques (et donc
sociales) sont à prévoir. L'urgence impose donc que
des solutions soient mises en place au plus haut
niveau de l'Etat.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre de
l'Education Nationale, de la Recherche et de la
technologie, mes plus respectueuses salutations.
Docteur Jean-François COLONNA
Ingénieur en chef à France Telecom
Chercheur au CMAP de l'Ecole Polytechnique
copie : Secrétaire d'Etat à l'Industrie.