Extraits du Rapport Relatif à l'Echec du Vol ARIANE 501
- De manière générale, la chaîne de pilotage d'Ariane 5 repose
sur un concept standard. L'attitude du lanceur et ses mouvements
dans l'espace sont mesurés par un système de référence inertielle
(SRI) dont le calculateur interne calcule les angles et les vitesse
sur la base d'informations provenant d'une plate-forme inertielle
à composants liés, avec gyrolasers et accéleromètres.
Les données du SRI sont transmises, via le bus de données,
au calculateur embarqué (OBC) qui exécute le programme de vol
et qui commande les tuyères des étages d'accéleration à poudre
et du moteur cryotechnique Vulcain, par l'intermédiaire de
servovalves et de vérins hydrauliques.
- Pour améliorer la fiabilité, on a prévu une importante redondance
au niveau des équipements. On compte deux SRI travaillant
en parallèle ; ces systèmes sont identiques tant sur le plan
du matériel que sur celui du logiciel. L'un est actif et l'autre
est en mode "veille active" ; si l'OBC détecte que le SRI actif
est en panne, il passe immédiatement sur l'autre SRI à condition
que ce dernier fonctionne correctement. De même, on compte deux OBC
et un certain nombre d'autres unités de la chaîne de pilotage
qui sont également dupliquées.
- La conception des SRI d'Ariane 5 est pratiquement la même que
celle d'un SRI qui est actuellement utilisé a bord d'Ariane 4,
notamment pour ce qui est du logiciel.
- Sur la base de la documentation et des données exhaustives
relatives à l'échec d'Ariane 501 qui ont été mises à la
disposition de la Commission, on a pu établir la séquence suivante
d'événements ainsi que leurs interdépendances et leurs origines,
depuis la destruction du lanceur jusqu'à la cause principale
en remontant dans le temps.
- Le lanceur a commencé à se désintégrer à environ H0+39 secondes
sous l'effet de charges aérodynamiques élevées dues à un angle
d'attaque de plus de 20 degrés qui a provoqué la séparation
des étages d'accéleration à poudre de l'étage principal, événement
qui a declenché à son tour le système d'auto-destruction du lanceur ;
- cet angle d'attaque avait pour origine le braquage en butée
des tuyères des moteurs à propergols solides et du moteur
principal Vulcain ;
- le braquage des tuyères a été commandé par le logiciel du
calculateur de bord (OBC) agissant sur la base des données
transmises par le système de référence inertielle actif (SRI2).
A cet instant, une partie de ces données ne contenait pas des
données de vol proprement dites mais affichait un profil de bit
spécifique de la panne du calculateur du SRI 2 qui a été
interprété comme étant des données de vol ;
- la raison pour laquelle le SRI 2 actif n'a pas transmis
des données d'attitude correctes tient au fait que l'unité
avait déclaré une panne due à une exception logiciel ;
- l'OBC n'a pas pu basculer sur le SRI 1 de secours car cette
unité avait déjà cessé de fonctionner durant le précédent
cycle de données (période de 72 millisecondes) pour
la même raison que le SRI 2 ;
- l'exception logiciel interne du SRI s'est produite pendant
une conversion de données de représentation flottante a 64 bits
en valeurs entières à 16 bits. Le nombre en représentation
flottante qui a été converti avait une valeur qui était
supérieure à ce que pouvait exprimer un nombre entier à 16 bits.
Il en est resulté une erreur d'opérande. Les instructions
de conversion de données (en code Ada) n'étaient pas protégées
contre le déclenchement d'une erreur d'opérande bien que
d'autres conversions de variables comparables présentes à
la même place dans le code aient été protégées ;
- l'erreur s'est produite dans une partie du logiciel qui
n'assure que l'alignement de la plate-forme inertielle
à composants liés. Ce module de logiciel calcule des résultats
significatifs avant le décollage seulement. Dès que le
lanceur décolle, cette fonction n'est plus d'aucune utilité ;
- La fonction d'alignement est active pendant 50 secondes
après le démarrage du mode vol des SRI qui se produit
a H0-3 secondes pour Ariane 5. En conséquence, lorsque
le décollage a eu lieu, cette fonction se poursuit pendant
environ 40 secondes de vol. Cette séquence est une exigence
Ariane 4 mais n'est pas demandée sur Ariane 5 ;
- l'erreur d'opérande s'est produite sous l'effet d'une valeur
élevée non prévue d'un résultat de la fonction d'alignement
interne appele BH (Biais Horizontal) et lié à la vitesse
horizontale détectée par la plate-forme. Le calcul de cette
valeur sert d'indicateur pour la précision de l'alignement
en fonction du temps ;
- la valeur BH était nettement plus élevée que la valeur
escomptée car la première partie de la trajectoire
d'Ariane 5 diffère de celle d'Ariane 4, ce qui se traduit
par des valeurs de vitesse horizontale considérablement supérieures.
- Les événements internes du SRI qui ont conduit à l'accident
ont été reproduits par simulation. En outre, les deux SRI
ont été récupérés pendant l'enquête de la Commission et le
contexte de l'accident a été déterminé avec précision à partir
de la lecture des mémoires. De plus, la Commission a examiné
le code logiciel qui s'est avéré correspondre au scénario
de l'échec. Les résultats de ces examens sont exposés
dans le Rapport technique.
- On peut donc raisonnablement affirmer que la séquence
d'événements ci-dessus traduit les causes techniques
de l'échec d'Ariane 501.